Qu'est-ce que le biofouling ?
À chaque fois qu’on plonge un objet dans la mer – qu’il s’agisse d’un bateau, d’une bouée, d’un câble ou même d’un simple panneau immergé – la nature reprend vite ses droits. En quelques instants, la surface est colonisée par la vie. Ce phénomène, qu’on appelle biofouling, est un enchaînement de petites étapes naturelles qui, mises bout à bout, transforment une surface propre en un petit écosystème vivant, parfois bien encombrant pour l’être humain.
Dès la première seconde où un objet entre en contact avec l’eau de mer, il est recouvert d’une fine couche invisible faite de molécules organiques présentes naturellement dans l’eau. Ce sont des sortes de protéines, de sucres et de graisses marines qui se déposent sans qu’on les voie. On appelle ça le film conditionnant. Il ne s’agit pas encore de vie à proprement parler, mais cette couche agit comme un tapis d’accueil pour les organismes vivants qui vont suivre.
Très rapidement – en quelques secondes ou minutes – des bactéries arrivent. Ces toutes petites cellules, invisibles à l’œil nu, explorent la surface et s’y collent provisoirement. Elles peuvent encore se détacher si la surface ne leur convient pas. Mais si elles trouvent l’endroit à leur goût, elles vont commencer à s’y fixer solidement en produisant une sorte de colle naturelle, faite de mucus. Elles créent alors un biofilm, un tapis vivant composé de bactéries soudées les unes aux autres par cette colle biologique. Ce biofilm leur permet de résister aux vagues, aux nettoyages légers et même parfois aux produits chimiques.
Au fil des heures et des jours, ce biofilm s’épaissit. D’autres organismes viennent s’y installer : des microalgues, des champignons microscopiques, des protozoaires… Tout un monde microscopique se met en place. Ce biofilm devient un vrai village sous-marin miniature, structuré, organisé, et qui attire encore plus d’espèces.
© ERRMECeQuelques jours plus tard, ce sont des algues visibles à l’œil nu qui s’installent à leur tour. Le biofilm leur offre une base stable et nourricière. Ces algues poussent et se développent, rendant la surface de plus en plus vivante… et de moins en moins lisse.
Enfin, après plusieurs semaines, arrivent les organismes marins plus grands, comme les larves de moules, de coquillages, de vers marins ou de petits crustacés appelés balanes (ces petits cônes blancs qu’on voit souvent sur les coques de bateaux). Ces larves trouvent que la surface, déjà bien colonisée, est parfaite pour s’y fixer à vie. Elles deviennent adultes, grossissent, se multiplient. À ce stade, la surface n’a plus rien de propre : elle est couverte d’une couche épaisse, dure et très difficile à retirer. C’est ce qu’on appelle l’encrassement biologique ou macrofouling.
© E. VédieCe processus est entièrement naturel et se produit partout dans le monde. Mais pour les activités humaines, le biofouling pose de nombreux problèmes. Sur les bateaux, par exemple, il augmente la résistance dans l’eau, ce qui oblige à consommer plus de carburant. Sur les installations industrielles en mer, il peut bloquer des tuyaux, encrasser des capteurs, ou même abîmer les matériaux. Le biofouling joue aussi un rôle dans la propagation des espèces envahissantes, qui voyagent sur les coques de bateaux d’un océan à l’autre, colonisant des régions où elles ne devraient pas se trouver.
Pour lutter contre ce phénomène, on a longtemps utilisé des peintures toxiques, qui empêchaient la vie marine de s’installer. Mais ces peintures ont aussi pollué les mers. Aujourd’hui, on cherche des alternatives plus écologiques : des revêtements lisses que les organismes ne peuvent pas accrocher facilement, des nettoyages sous-marins réguliers, ou encore des molécules naturelles inspirées d’organismes marins qui, eux aussi, ont trouvé leurs propres moyens de rester propres.
En résumé, le biofouling, c’est la façon dont la nature marine colonise peu à peu tout ce qu’on y laisse tremper. C’est un processus fascinant, très rapide, et parfois gênant, qui nous rappelle que dans l’océan, rien ne reste jamais vide ou inerte bien longtemps.

